La directive-cadre européenne sur la surveillance et la résilience des sols devrait être adoptée à l’automne. Mais l’ADEME n’a pas attendu ce texte pour gérer les risques associés à la dégradation de ces milieux. Depuis sa création, en 1992, elle est mandatée par l’État pour mettre en sécurité des sites industriels orphelins, c’est à- dire des sites dont les anciens responsables sont défaillants (disparus, en faillite…) et qui sont si pollués qu’ils représentent une menace grave pour la santé et l’environnement.
La parole à Patricia Blanc, directrice générale déléguée en charge des opérations à l’ADEME.
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Bien que méconnue, la thématique des sols pollués est la seule sur laquelle l’ADEME n’est pas seulement experte ou financeuse, mais aussi maître d’ouvrage. Elle est déjà intervenue sur plus de 350 sites en France ! Et, depuis 2022, elle est chargée, en plus, d’éviter que les décharges littorales historiques, attaquées par l’érosion, ne relâchent leurs déchets dans la mer. Tous ces chantiers, réalisés dans des contextes et sur des contaminations variés, ont permis à l’ADEME d’acquérir des connaissances et des compétences uniques.
Le métier ne cesse d’évoluer. On découvre en permanence de nouveaux polluants (PFAS, phtalates…), ou la toxicité de matériaux qu’on considérait encore récemment comme inertes (plastiques…). Il y a donc sans cesse besoin d’innover dans les méthodes de diagnostic et de traitement. L’ADEME soutient de nombreux projets de recherche en ce sens, et elle en partage les résultats avec tous les professionnels du secteur. En effet, quand une friche polluée ne présente pas un danger immédiat, ce sont d’autres acteurs qui réalisent les travaux. L’ADEME peut les financer, via le Fonds vert. Et, pour parfaire son accompagnement, elle met à disposition des guides pratiques et des outils d’aide à la décision, ainsi que des avis et partages d’expériences (« La sobriété foncière pour atteindre le ZAN, un atout pour les territoires », par exemple, publié en décembre 2024). Cela vise autant à leur présenter des solutions qu’à montrer que la sobriété foncière, si elle est réfléchie, n’empêche pas le développement d’un territoire.
Pour encourager le recyclage foncier, il faudrait surtout que cette solution soit attractive. Outre la pérennisation du Fonds vert, qui aide à réduire le coût des chantiers, l’ADEME préconise l’émergence de nouveaux modèles économiques capables de rendre la réhabilitation de friches plus rentable que la construction sur des espaces naturels. Cela pourrait passer, par exemple, par des incitations fiscales. Si les collectivités voient bien les bénéfices socioéconomiques d’une telle démarche (amélioration de la qualité de vie des habitants, réduction des déplacements, etc.), les entreprises de l’immobilier, elles, cherchent avant tout, et c’est logique, la rentabilité des opérations.
L’ADEME préconise par ailleurs un renforcement du principe de pollueur-payeur. Il y a un enjeu, pour l’avenir, à accroître la responsabilité des entreprises (et particulièrement des maisons mères) qui laissent des sites pollués à la charge de l’État et, donc, du contribuable. Il est également stratégique que les collectivités disposent des outils leur permettant de protéger les nappes souterraines qui fournissent l’eau potable, dans un contexte où le changement climatique va induire une diminution des ressources en eau disponibles. Or, la qualité de ces eaux est étroitement liée à celle des sols. De plus en plus conscientes de cet enjeu, les collectivités soutiennent l’installation d’agriculteurs biologiques dans les zones de captage d’eau potable, avec l’appui des agences de l’eau. Elles sollicitent aussi l’aide de l’ADEME pour intégrer la sobriété foncière dans leur planification territoriale.